- Ne pas réfléchir et foncer -
Il est 14h30 lorsqu’Irene arrive dans un café cosy du 11ème arrondissement de Paris. Chevelure rose flamboyante et pas assuré, la commande est passée, ce sera un latte avec beaucoup de mousse. Étudiante en arts plastiques à La Sorbonne elle a secoué les réseaux sociaux, la rue et les conventions établies il y a de cela quelques jours en décidant de ne pas porter de protections hygiéniques. A travers cette action, elle voulait dénoncer la précarité menstruelle qu’elle relaie grâce à son compte Instagram @irenevrose. C’est elle, « la relou » féministe qu’on trouve au sein de presque chaque groupe de potes, celle qui va te faire la morale et dire haut et fort ce qu’elle pense.
Une activiste
Pour toi y-a-t-il une définition du féminisme et des moyens d’actions à privilégier ?
Pour moi il n’y a pas une seule définition. Le féminisme, c’est vouloir l’égalité entre les hommes et les femmes sur tous les points, après, il y a autant de manières de militer que de personnes différentes. Certains vont exprimer leurs revendications à travers l’art, la mode, les écrits ou des manifestations, c’est assez pluriel dans la forme mais le but reste le même quelque soit le moyen d‘action choisie.
Une de tes premières prises de conscience ?
Mes parents tiennent un institut de beauté et je me souviens une fois, je suis entrée dans leur salon, je regardai les produits et j’ai vu deux produits, à la composition et au prix identiques mais à la contenance différente. J’ai ensuite lu attentivement et j’ai vu que celui qui contenait le moins de produit était destiné à la clientèle féminine. Je me souviens avoir demandé pourquoi à ma mère sans qu’elle ne puisse véritablement trouver une réponse. J’étais sidérée!
Tu as créé le compte @cacarevolution il y a de cela quelques mois, était-ce ta première expérience militante ?
Ce compte c’était vraiment de l’improvisation totale, c’est un peu le fruit du hasard. Le succès n’était pas du tout attendu, j’avais d’ailleurs mon compte personnel où je publiais un contenu assez similaire et j’avais déjà commencé mon projet de magazine. En fait j’ai toujours agi en fonction de ce que je pensais juste ou injuste. Lorsque je suis arrivée à Paris j’ai commencé à rencontrer du monde et mon cercle s’est élargi donc la portée de mes actions aussi. J’ai cherché à entrer en contact avec des associations féministes, j’ai passé beaucoup de temps à trouver celle qui me conviendrait le mieux et aujourd’hui je suis engagée sur les réseaux sociaux mais aussi et surtout dans la « vraie » vie !
Et qu’as-tu à répondre aux personnes te qualifiant de « féministe extrême » ?
Qu’ils ont raison ! Je suis féministe - extrémiste - hystérique si ça leur fait plaisir. Du moment que l’on défende une cause qui prône l’égalité des droits entre les hommes et les femmes. Je ne vois pas comment on pourrait être considérée comme extrémiste, je veux dire qu’il n’y a pas d’égalité partielle, non, on réclame une égalité totale. Et puis au fond, ils ont raison lorsqu’ils disent qu’on veut tout casser parce que c’est le cas : on est dans un système qui est vérolé, nocif pour une partie de la population et mon combat c’est participer à renverser ce système pour aller vers un système meilleur.
Qu’est-ce que tu réponds quand on te dit qu’il y a plus important ?
Que l’on peut mener plusieurs combats de front, l’un n’empêche pas l’autre, bien au contraire. C’est comme les personnes qui viennent me parler pour me dire qu’en effet il y a plus important ou bien que je ne devrais pas agir de cette façon mais plutôt d’une autre. Ma réponse est simple : faites-le ! On m’a notamment dit qu’il y avait beaucoup à faire en Afrique par exemple, mais au lieu de me le dire, cette personne aurait du y aller.
Une action ciblée
Il y a quelques semaines tu as décidé de ne pas porter de protections hygiéniques pendant une journée afin de dénoncer la précarité menstruelle. Quel était le point de départ de cette action et comment as-tu vécu cette journée ?
J’ai pris conscience de la précarité menstruelle il n’y a pas si longtemps que ça, c’est à la suite d’un article que j’ai réalisé que les femmes ne pouvaient pas toutes se procurer de protections hygiéniques ou difficilement alors que c’est un produit de première nécessité puisque toutes les femmes sont menstruées. Souvent les hommes disent « on ne veut pas payer ça, ça ne nous concerne pas » et l’idée de base de mon action c’était de montrer que ça concerne absolument tout le monde. Si je décide de sortir sans protections, je peux dégrader l’espace publique juste en m’asseyant... Du coup j’ai décidé de relayer mon projet sur mon compte Instagram la veille et j’ai reçu pas mal de soutiens. J’ai exposé mes craintes et mes doutes puis j’ai annoncé le plan de ma journée, je voulais une journée normale, j’ai pris les transports, suis allée en cours, été boire des verres et vu une expo.
Pour toi la taxe rose c’est connu du grand public ?
Non je ne pense pas. C’est devenu tellement naturel pour les femmes d’acheter leurs produits hygiéniques, de payer des produits similaires à ceux des hommes plus chers simplement parce que les industriels jugent que des rasoirs roses doivent être plus chers que des rasoirs bleus ! Un comble quand on sait qu’elles gagnent en moyenne 30% de moins. En revanche, je pense qu’aujourd’hui ça commence à être mis en lumière.
Quelque chose qui t’a fait chaud au cœur suite à ton action ?
Après mon action de la journée sans protections, j’ai reçu beaucoup de messages dont une abonnée me disant qu’au Sénégal, lorsque les filles avaient leurs premières règles elles ne pouvaient plus être scolarisées et que ce que je faisais avait une résonnance particulière là-bas. Ça m’a beaucoup touchée.
Son dicton
Quelle est ta philosophie de vie ?
Oser et agir, ne pas se poser de questions. J’ai toujours fonctionné comme ça et pour le moment, ça marche bien, donc je me dis que c’est comme ça qu’il faut penser ! J’ai une envie, je la mets en place à la minute près si je le peux et je n’ai pas peur du regard des autres parce qu’une fois décidée j’avance et je ne fais plus attention à rien sur mon passage, j’ai un but et je fais tout pour l’atteindre, si je suis en accord avec moi-même, je n’ai rien à craindre.
By Léa Petit
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